L’interdiction stricte du cumul des licences en ligne est néfaste pour la protection des consommateurs

La proposition de loi rend l’identification et la prévention des comportements de jeu problématiques impossible

Une proposition de loi qui figure à l’ordre du jour de la Commission de la Justice à la Chambre des Représentants mercredi risque de rendre impossible le suivi du comportement du joueur. L’interdiction stricte du cumul est inutile et indésirable, déclare l’Union professionnelle belge des opérateurs de jeux de hasard BAGO.

Le mercredi 9 février 2022, la Commission de la Justice de la Chambre des Représentants examinera la proposition de loi du député Stefaan Van Hecke relative aux jeux de hasard, ainsi que les amendements qui y ont été apportés par les partis de la majorité. La proposition de loi introduit un certain nombre de mesures qui contribueront à une meilleure protection du consommateur et des personnes vulnérables. Ainsi, les machines à sous dites 3.3. seront interdites et les paris sportifs dans les librairies seront soumis au système EPIS et ne seront accessibles qu’après un contrôle de l’e-ID.

« En tant qu’association professionnelle d’opérateurs de jeux de hasard, qui prône une politique de jeu responsable, nous soutenons toute initiative législative qui vise à assurer une protection maximale du consommateur et des groupes de populations vulnérables contre les dangers d’un comportement de jeu problématique », déclare le président de BAGO, Tom De Clercq.

La détection et le traitement des comportements de jeu problématiques sont rendus impossibles

Cependant, BAGO souligne que la proposition de loi contient également une mesure qui constitue une menace sérieuse pour la protection du consommateur. Les partis de la majorité veulent introduire une interdiction stricte du cumul des licences en ligne. Ce faisant, la proposition de loi introduit 4 interdictions, à savoir :

  1. L’interdiction d’offrir plusieurs types de jeux de hasard en ligne via le même nom de domaine et les URL associées ;
  2. L’interdiction de rediriger les joueurs vers des jeux de hasard d’une autre classe de jeu ;
  3. L’interdiction d’utiliser un seul et même compte joueur pour participer à différentes classes de jeux de hasard proposés par le même opérateur ; et,
  4. L’interdiction d’effectuer des transactions entre ses différents comptes de joueur.

« Outre le fait que ces quatre interdictions se fondent sur une lecture erronée de la jurisprudence existante de la Cour Constitutionnelle, une interdiction aussi stricte du cumul est extrêmement néfaste pour le joueur et les pouvoirs publics », ajoute Emmanuel Mewissen, vice-président de BAGO. « Concrètement, cela signifierait qu’un joueur qui veut jouer à différents types de jeux de hasard (casino, salle de jeux, paris sportifs) chez un même opérateur serait obligé d’ouvrir à chaque fois un compte joueur bien distinct de ses autres comptes joueurs. Non seulement le joueur perd une vue d’ensemble sur ses dépenses et son budget, mais l’opérateur, lui aussi, risque de perdre le fil. »

Afin de pouvoir identifier à temps les comportements à risque, prévenir les joueurs concernés et proposer des solutions, plusieurs opérateurs utilisent aujourd’hui l’intelligence artificielle. BAGO plaide depuis longtemps pour que les pouvoirs publics imposent un tel contrôle à tous les opérateurs sous forme d’un devoir d’encadrement. Cette proposition de loi rend toutefois pareil contrôle impossible.

« Pour pouvoir détecter rapidement un comportement potentiellement problématique, la fréquence et le changement de comportement de jeu sont deux indicateurs extrêmement importants. Toute forme de fractionnement des comptes des joueurs mettra considérablement à mal le monitoring de ces deux indicateurs cruciaux », ajoute Dennis Mariën, membre du Conseil d’Administration de BAGO.

« Les pouvoirs publics aussi se tirent une balle dans le pied avec cette proposition de loi », déclare Massimo Menegalli, membre du Conseil d’Administration de BAGO. « Ils se privent ainsi de l’opportunité de mieux comprendre le comportement de jeu problématique grâce à la recherche scientifique sur les données agrégées des joueurs, et d’émettre des mesures préventives le cas échéant. »

Tant le gouvernement, la Commission des jeux de hasard que les opérateurs légaux sont pourtant d’accord pour dire que la recherche scientifique est essentielle pour développer une politique efficace en matière de jeux de hasard.

Néfaste pour la canalisation du joueur et la lutte contre le blanchiment d’argent

BAGO souligne également qu’une interdiction stricte du cumul conduira davantage de joueurs à se diriger vers des opérateurs illégaux, qui continueront de proposer de multiples produits sans aucune restriction et n’offriront aucune garantie en matière de protection du joueur, bien au contraire. Une étude récente de l’UGent auprès de jeunes adultes montre à quel point ces opérateurs illégaux sont déjà présents sur le marché belge. Un tiers des publicités pour des jeux de hasard auxquelles les jeunes adultes sont confrontés proviennent d’opérateurs illégaux.

« C’est pour cette raison et par souci de protection du joueur que le législateur néerlandais a récemment décidé de ne pas introduire d’interdiction du cumul. Les opérateurs de jeux de hasard peuvent donc offrir des jeux de hasard de différentes classes sous un seul compte client, un seul portefeuille et avec un aperçu centralisé », déclare Alexis Murphy, membre du Conseil d’Administration de BAGO.

BAGO insiste sur le fait que cette mesure peut également entraîner de graves conséquences dans la lutte contre le blanchiment d’argent. La législation exige d’ailleurs une approche holistique, tant au niveau du joueur que des produits. La division du portefeuille par produit rend de ce fait la détection des transactions suspectes beaucoup plus difficile.

Enfin, BAGO tient également à souligner qu’une croissance des opérateurs illégaux entraînera également une perte de revenus considérable pour les pouvoirs publics.

L’introduction du devoir d’encadrement est la meilleure garantie pour la protection du joueur

BAGO appelle les membres de la Commission de la Justice à ne pas introduire l’interdiction stricte du cumul. BAGO est par ailleurs disposée à formuler des propositions constructives offrant une protection supplémentaire pour les joueurs qui souhaitent jouer à différents types de jeux de hasard sur divers sites internet. À cet égard, BAGO plaide pour une réglementation plutôt qu’une interdiction.

Parallèlement, BAGO suggère d’introduire un devoir d’encadrement, par lequel tous les opérateurs de jeux de hasard légaux seraient obligés, entre autres, de surveiller leurs joueurs et de les avertir de leur comportement à risque, de prendre des mesures préventives et de partager leurs données de prévention avec la Commission des jeux de hasard.